Le battage à la Ferme des Prés


scène de battage en plein air
Le battage était un évènement.

Autrefois, je parle de la jeunesse de ma mère, vers 1900-1910 et de l'activité de son père: mon grand-père, le battage, dans les petites exploitations se faisait encore au fléau sur une surface : «l'aire de battage», dure comme du ciment. A la ferme, chez mon père, cette partie était en briques et j'entends encore parler de l'aire de la grange.
Le fléau se composait d'une batte : la partie frappante,d'un manche: l'émantin et de l'écoupe, c'est-à-dire l'accouplement ou Ken de cuir unissant les deux parties de bois.

scène de battage du blé au fléau
(ce n'est pas à Vareilles)
On levait en moyenne, trente à quarante fois le fléau à la minute, pendant des heures, sur un tas de gerbes et souvent pieds nus pour ne pas écraser le grain.
Un bon batteur produisait cent kilos de grains par jour avec une perte de sept à huit pour cent de grains restant dans les épis. Une fois les grains battus, il fallait les séparer des balles, menues pailles et hottons, c'est-à-dire les enveloppes, avec un van.
instruments agricoles (exposition de 1993)

la machine à battre

Dès l'arrivée des machines, il fallait les placer à l'endroit propice dans la cour ou sous le hangar, les caler et placer les courroies et, déjà, le chauffeur avait allumé sa loco, remplie d'eau et bien graissée.

Dès la pression désirée obtenue, c'était le coup de sifflet strident pour le rassemblement des ouvriers et la machine se mettait en route.
De la meule, un ouvrier envoyait une gerbe à la délieuse, en général une femme se trouvant sur la batteuse. Elle coupait la ficelle et passait sa gerbe à l'engreneur qui étalait la gerbe, pour la mettre dans le batteur.

D'un côté sortait la paille qui tombait dans une lieuse ou botteleuse et cette botte de paille était mise à nouveau en tas. 

la machine à battre


Vareilles: scène de battage
D'un autre côté, sortaient les balles, les menues pailles, les hottons, c'est-à-dire les déchets, mis de côté pour la nourriture des animaux l'hiver et d'un troisième côté sortait le grain directement en sacs. Ceux-ci étaient pesés à cent kilos et mis de côté pour une livraison.
Pendant les battages, il y avait cinq repas au cours de la journée, sans compter quelques rafraîchissements en cours de travail.

Ces repas étaient l'occasion, pour la fermière de faire connaître ses talents de cuisinière et c'était tout à son honneur de savoir que sa table était une des meilleures et des plus achalandées de la région.

Vareilles: scène de battage




La locomobile
Une fois mécanisé, le battage s'est fait par une machine à battre actionnée, au début par le tripot ou tripotine, sorte de tapis roulant sans fin, actionné par un cheval. J'en ai connu deux à la ferme. Puis vint le temps des locomobiles, des tracteurs à huile lourde, puis l'électricité.

La locomobile était une machine à vapeur comprenant deux parties :la chaudière génératrice de vapeur sous pression et le mécanisme ou machine à vapeur proprement dite.

Le combustible employé était le charbon. Lorsqu'il était allumé, il fallait attendre plus d'une heure pour que l'eau chauffe et se transforme en vapeur et que celle-ci, libérée par des robinets arrive dans les pistons pour les pousser et leur donner un mouvement de va et vient. 
Celui-ci, par un mécanisme se transformait en un mouvement rotatif, qui entraînait les poulies. Quand la machine était sous pression, la vapeur d'eau s'échappait par les joints plus ou moins étanches et c'était un sifflement continu de vapeur.

C'était un événement, l'arrivée de la batteuse! Mon père allait la chercher au village voisin avec ses chevaux et ramenait la batteuse, la lieuse, la loco. Les gars de la batteuse suivaient C'était toujours mon père qui était désigné pour les transports car, lui seul, possédait trois attelées complètes pour les trois engins.


la machine à battre


Vareilles: scène de battage
A part le chauffeur et l'engreneur (celui qui mettait les gerbes déliées dans la machine) qui étaient des hommes de confiance de l'entreprise de battages, les autres travailleurs ou «gars de la batterie» étaient des galvaudeux, trimards, des déclassés qui avaient un penchant certain pour la bouteille.
La grosse batterie ne venait qu'une fois à la ferme, tout de suite à la fin des moissons, pour rapidement reconstituer les réserves de grains, mais aussi pour vendre rapidement le blé, pour besoin de recettes.

En effet, si les dépenses s'étalaient pendant toute l'année, la grosse recette n'avait lieu qu'une fois par an, après les moissons. Il fallait s'organiser pour équilibrer le budget. . 


Vareilles: scène de battage


Les jeunes enfants participaient aussi
aux travaux de la ferme
Mon père possédait en propre une petite batteuse et une lieuse et, pendant l'hiver, quand les travaux des champs étaient terminés.  Il battait ses récoltes avec ses ouvriers et profitait toujours de mes vacances de Noël pour le faire. J'étais un employé de plus!

Dans ce cas là, le grain était monté au grenier par le costaud de la maison: il y avait toujours des volontaires, un peu par orgueil! Pourtant, ce n'était pas rien: quatre-vingts ou cent kilos, traverser la cour, monter au grenier par un escalier assez raide, vider le sac et revenir prendre le suivant qui ne tardait pas à être plein à son tour.